La mission de Carlos Castaneda. Ou le secret de la Catalina. Aimel Helle…

Le Cas de Carlos Castaneda

Quand j'étais jeune, j'ai lu les livres de Carlos Castaneda. Dominique Aubier me les avait recommandés et prêtés, me disant que je trouverais là, sous la forme de récits et de reportages, des comptes-rendus relatant les rencontres d'un ethnologue avec un sorcier Indien du Nouveau-Mexique.
Cela m'intéressait au plus haut point, car je revenais tout juste du Canada où j'avais été en mission, envoyé par le Poète-Président Léopold Sédar Senghor, Président du Conseil de la Francophonie. Il m'aimait bien, non que j'eus des compétences particulières, mais il avait apprécié le fait que je lui avais soumis le manuscrit de mon premier recueil de poésie, publié quelques temps plus tard, sous le titre Profil Humain. « Qui mieux qu'un poète comprendrait les enjeux de la langue française », me dit-il, m'expédiant dans le Grand Nord, à la rencontre des Amérindiens de la tribu des Montagnais.
J'y avais rencontré le dernier grand chasseur et sorcier Matthieu André Mestapéu. Alors pensez, lorsque plus tard je tombais sur les ouvrages de Castaneda qui raconte ses aventures avec le chamane Yaqui Don Juan Matus, j'en dévorais les pages et ingurgitais toute la collection de ses livres.

1 Don Juan Matus et Don Genaro
Les récits de Castaneda  sont enchanteurs. Le chamane don Juan prononce de subtiles leçons initiatiques, et son ami le sorcier Don Genaro les appuie par des démonstrations physiques. Castaneda en prend note, en réalise une compilation livresque impressionnante, publiée dans toutes les langues du monde. Et on se laisse prendre à l'envoûtement, sans réserve, à la lente exploration de Castaneda de l'univers magico-lyrique de son Maître.
Et pourtant… ayant lu tous ses livres, on en reste désarçonné. Castaneda aura consacré de nombreuses années de sa vie à tenter de percer le secret des enseignements de son Maître, sans qu'il parvienne à en dégager la moindre unité de signification. Sa prestation littéraire est colossale.
Mais Castaneda a-t-il compris le sens de sa mission ?

2 La mission de Carlos Castaneda.
Son maître Yaqui, plus d'une fois, lui adresse des reproches véhéments. Il lui reproche son esprit obtus et sa vision monoculaire : « Tu ne vois les choses que d'un seul côté » répète-t-il, expliquant par cette métaphore que Castaneda, en tant que scientifique, ne voit le réel qu'au travers du tube de sa discipline intellectuelle et qu'il lui manque l'autre regard, celui de l'Initié observant et voyant au travers de la lunette des lois archétypales.
Ces archétypes — que Don Juan appelle les noyaux abstraits —, Castaneda n'en identifie aucun. Et l'on est surpris qu'en tant que chercheur de l'Université de Californie UCLA, il n'ait pas fait le moindre rapprochement avec la pensée jungienne, qu'il soit resté à l'écart des travaux de Frazer, et que les remarquables travaux de Kroeger sur les Amérindiens, Californien comme lui, n'aient pas été sollicités.
Mais telle n'était pas la mission castanédienne. Si Carlos été choisi par Mescalito (c'est le nom que le sorcier Yaqui donne à l'Invisible), c'est pour accomplir un acte essentiel : Don Juan a conscience qu'en tant que Sorcier il est arrivé au niveau le plus puissant de son art. Juan Matus synthétise toute la Connaissance amérindienne sur sa personne et se voit dès lors chargé de transmettre cette connaissance, non plus à un héritier issu de sa tradition, mais à un partenaire issu du secteur d'En Face : autrement dit un scientifique. Don Juan observe la règle de l'Union des Contraires et il la met en œuvre. Il confie sa Connaissance à un représentant de l'Opposite, en l'occurrence l'opposite total, un scientifique tout au revers de la voie initiatique amérindienne. Il transmet à Castaneda tout son savoir, non pour faire de Carlos un initié qu'il ne sera jamais, mais afin qu'il en prenne note, qu'il pose cette connaissance par écrit de sorte qu'elle soit divulguée dans le monde et reprise par au moins un esprit qui s'y reconnaîtra et qui saura en présenter une explication systémique, structurelle. Cette explication, Castaneda ne la fera pas, et ce n'était pas son rôle. On aurait donc tort de lui reprocher de n'avoir pas fait ce pourquoi il n'était pas mandaté. La mise au clair explicative de la leçon amérindienne est dévolue à… une femme.

3 Le secret de Catalina.
Cette femme, Don Juan l'a symboliquement désignée par le sobriquet La Catalina. Il la signale plusieurs fois à l'attention de Castaneda en lui répétant qu'il devrait se souvenir de cette femme et ne pas s'en détourner. L'Indien agissait essentiellement par symboles, dès lors l'Indienne qu'il dénommait la Catalina n'était pas elle-même la femme désignée. Elle était l'image représentative dont Castaneda devait s'imprégner pour, un jour, reconnaître sa véritable partenaire d'action, en une autre femme qui serait la reprise de l'Indienne figurée. Castaneda n'a pas compris que la Catalina puisse représenter une autre personne, et l'ethnologue de se focaliser sur l'Indienne dont il ne comprend pas qu'elle n'est, pour Don Juan, que l'image représentative de la femme à qui son élève devra plus tard apporter son soutien.

La maison de la Catalina

Dans son remarquable ouvrage Rendez-vous sorcier avec Carlos Castaneda (éditions Denoël) la journaliste Véronique Skawinska raconte comment, envoyée par la Catalina, elle a pu rencontrer Castaneda et lui expliquer que la véritable Catalina est une initié puissante dont Castaneda n'a vu que le « corps de rêve » projeté. La vraie Catalina vit ailleurs…

4 Qui est la Catalina ?
Don Juan a remarqué que son disciple était extrêmement sensible au bruit des avions à réaction sillonnant le ciel et que son regard était souvent attiré par leur sillage de vapeur laissé dans la haute atmosphère. Avions allant d'Ouest en Est… Se souvenir aussi de la scène où Don Juan projette Castaneda dans les locaux d'une agence de voyages…

Et c'est bien de l'autre côté de l'Océan, côté Est, donc en Europe, que vivait la véritable initiée dont Catalina était l'image. Vivant seule, dans une maison entourée d'une palissade, près d'un pont, au bout d'un chemin montant… conformément à la description photographiée en phase symbolique. Qui est Catalina ?
Elle vit dans la sphère hispanique. Car tout, dans l'aventure de Castaneda, se déroule en langue espagnole, une langue que l'Amérindien maîtrise à la perfection, et sans doute mieux que l'universitaire, tant la richesse de son vocabulaire poétique laisse pantois.
La Catalina vit en Espagne, Andalousie. Don Juan l'aura vue, sans y être jamais allé. Il aura vu l'habitante de cette maison dont il ignorait le nom, la surnommant « la » Catalina — c'est un sobriquet en espagnol — car il fallait bien lui donner un nom pour la faire exister aux yeux de son disciple afin qu'il la reconnaisse le jour venu.

5 Carlos Castaneda et Aimel Helle. 

Véronique Skawinska, sous la guidance de l'Initiée dénommée Aimel Helle — la vraie Catalina —, s'est rendue en Californie pour expliquer à Castaneda qu'il faisait fausse route. Ce dernier croyait l'œuvre accomplie en ce qu'il se pensait parvenu au grade de Nagual dirigeant son petit groupe de disciples. Il n'avait pas compris que le plus important restait à faire, c'est-à-dire dévoiler le corps conceptuel de la pensée chamanique, mettre au jour les archétypes qui en soutiennent l'édifice, et favoriser, par sa notoriété, la publication du Pensum qui accomplirait cette extraordinaire révélation. Soutenir la Connaissance au plus haut degré de son explication, telle était la vraie mission de Castaneda.
Véronique Skawinska est une amie fidèle. Nous nous connaissons depuis plus de 30 ans, depuis notre rencontre en Andalousie, à Carboneras. Je sais qu'elle a fait tout son possible pour alerter Castaneda et lui rappeler « ne te détourne pas de cette femme ».
Elle lui a également rappelé la leçon de son Maître : dans la Connaissance, il faut faire les choses rapidement, tout de suite. Chevaucher le tigre, c'est-à-dire chevaucher l'énergie quand elle est là, et agir sans retard. Véronique et Carlos Castaneda s'étaient quittés dans les meilleurs termes et sur des promesses fermes. Oui, il prendrait contact avec l'Espagne. Oui, il viendrait en Andalousie. À ceci près que Carlos Castaneda, bien que conseillé par Florinda Donner de se rendre comme elle en Europe, a laissé passer le coche et ce n'est que deux ans plus tard qu'un jour le téléphone a sonné. Bien trop tard, pour répéter que oui il viendrait, oui il appuierait la Connaissance oui… mais dans les faits, il s'est laissé submergé par des questions subalternes, la gestion de son entreprise, ses conférences, etc…

6 La Connaissance poursuit son chemin.
Les choses se firent sans Carlos Castaneda.

 La Face cachée du Cerveau  — le Code des archétypes du Réel, autrement dit : la Carte de l'Inconnu — fut publiée, sans l'attendre et sans retard. Il n'était pas question de soumettre à son bon vouloir le sort de cet ouvrage qui réalise exactement ce que demandait l'Amérindien : la grande explication.
Castaneda a eu en mains un résumé très élaboré de ce livre. Orgueil ou sottise, il préféra, plutôt que tenir parole, se renfrogner dans une aura égotiste. Pouvait-il réduire et amoindrir de la sorte la somptueuse leçon amérindienne et le souvenir de Don Juan ? La connaissance doit avancer vers l'élucidation de toutes ses formes expressives. Et si Don Juan a confié son savoir à Castaneda, c'était dans le but que la Connaissance amérindienne participe à la grande élucidation universelle du motif d'Absolu.
Don Juan Matus avait pressenti que son disciple risquait de commettre une erreur et l'en avait averti :  « Bon sang, ne te détourne pas de cette femme ! » Et le danger est grand, pour les lecteurs de Castaneda, de se retrouver à leur tour dans la même impasse. Ayant occulté la voie d'ouverture de Catalina, la grande voie de l'explication, il les a expédiés : certains dans l'errance, d'autres dans l'usage des drogues psychotropes. D'autres encore, comme lui, se sont installés dans la satisfaction confortable d'un aboutissement alors qu'ils vivent dans l'ennuagement le plus épais de la conscience.

La Connaissance poursuit son chemin. Et nous aussi.
La Connaissance est un corps doctrinal précis, rigoureux. Une discipline de l'esprit et de la pensée. C'est un code d'action et de vie.

Carlos Castaneda a sans doute fait de son mieux… Ce qui compte, c'est ce que nous faisons et allons faire.
La Connaissance est destinée à un partage universel. Dès lors, il convient de ne pas tourner le dos à celle qui a ouvert le message de Don Juan et qui en a décodé tout le symbolisme.
C'est Catalina, dont on aura bien compris qu'il s'agissait de Dominique Aubier, sous le masque de Aimel Helle. (voir dans le livre de Véronique Skawinska).
Les Lecteurs de Carlos Castaneda méritent d'en être informés et ils sont invités à franchir le pas vers une compréhension claire et lumineuse des symboles, pour comprendre clairement « l'Intension ». Pour y parvenir il existe un instrument : ce livre.
Au fond, rien n'est perdu.

À chacun d'être pour soi-même un Voyant…

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